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Dans un contexte économique français en pleine mutation, les opérations de fusion-acquisition se sont multipliées ces dernières années, que ce soit pour accompagner la consolidation de secteurs matures ou soutenir la croissance externe d’entreprises innovantes. Le volume des transactions a atteint des niveaux historiques, porté par la recherche d’économies d’échelle, de synergies opérationnelles et de diversification géographique. Plus que jamais, la réussite d’une opération M&A repose sur une maîtrise rigoureuse des fondamentaux financiers de la cible, au cœur desquels le bilan occupe une place déterminante.
La due diligence financière constitue l’un des piliers essentiels de ce processus, permettant d’identifier et de quantifier les risques, d’anticiper les besoins de financement et de valider les hypothèses de valorisation. Cet article propose une méthodologie structurée pour exploiter le bilan de la cible comme point d’entrée et d’intégration des analyses, depuis la collecte des données jusqu’à la construction d’un bilan pro forma, afin d’éclairer la décision d’investissement et de sécuriser la mise en œuvre post-close.
Le marché français des fusions-acquisitions est marqué par une forte activité, que ce soit dans le secteur des technologies, de la santé ou dans l’industrie traditionnelle. Les volumes annuels, souvent supérieurs à plusieurs centaines de milliards d’euros, témoignent d’une dynamique soutenue où les acteurs privés et publics rivalisent pour gagner en compétitivité. Cette effervescence traduit un besoin croissant de rationalisation des coûts, d’adoption de nouvelles compétences et d’optimisation des chaînes de valeur, mais elle met aussi en évidence la complexité croissante des opérations et l’importance d’une analyse rigoureuse dès les premières étapes.
Dans ce paysage, la due diligence financière prend une dimension stratégique : elle permet non seulement de valider l’adéquation entre la stratégie d’acquisition et la réalité économique de la cible, mais aussi de prévenir les écueils liés aux dettes cachées, aux engagements hors bilan ou aux écarts de valorisation. La France, de par son cadre réglementaire précis et sa tradition de rigueur comptable, offre une base solide pour ce travail d’investigation, à condition de savoir exploiter pleinement les informations fournies dans les états financiers.
L’objectif principal de cet article est de démontrer comment le bilan devient un véritable fil conducteur de l’analyse financière en due diligence M&A. À travers une démarche progressive, nous détaillerons la collecte et l’organisation des données, l’examen approfondi de chaque poste d’actif et de passif, la mise en œuvre de retraitements comptables et l’élaboration d’un bilan pro forma. Ce cheminement vise à garantir une vision consolidée, transparente et fiable des situations passées et prévisionnelles, indispensable pour orienter la négociation et sécuriser la structuration financière de l’opération.
Notre méthodologie s’appuie sur quatre grands axes : définir un périmètre d’analyse circonscrit, rassembler et organiser les documents clés, procéder à une décomposition fine des postes de bilan et enfin construire des indicateurs et un bilan pro forma illustrant divers scenarii. Chacune de ces étapes sera analysée en profondeur, enrichie d’exemples concrets, de check-lists et de bonnes pratiques à retenir, afin de fournir aux professionnels du droit et de la finance un guide opérationnel et pragmatique.
La due diligence se décline traditionnellement en plusieurs volets : juridique, fiscal, sociale, environnementale et opérationnelle. Toutefois, c’est la dimension financière qui sert de socle à l’ensemble du processus. En comparant avec les volets juridiques et fiscaux, souvent axés sur la conformité et les contingences, la due diligence financière vise quant à elle à chiffrer les risques et opportunités monétaires et à vérifier la validité des projections de croissance.
Au sein de la due diligence financière, l’analyse du bilan permet de cerner les risques latents, tels que les provisions insuffisantes ou les engagements hors bilan non provisionnés, ainsi que les opportunités génératrices de cash, comme les créances à recouvrer ou les actifs sous-exploités. L’ensemble de ces informations constitue la base de toute modélisation pro forma et de la négociation des ajustements d’actif-passif (purchase price adjustments).
Si le compte de résultat retrace la performance sur une période donnée et le tableau des flux éclaire la génération de trésorerie, le bilan reste l’ossature de l’analyse : il offre une photographie instantanée du patrimoine net, des emplois et des ressources mobilisés, permettant de dresser un bilan patrimonial et financier précis. C’est ensuite cette photographie qui sert de base à tous les retraitements comptables et à la projection des scenarii futurs.
Avant d’entamer tout travail d’analyse, il est impératif de définir clairement le périmètre de la due diligence. Cela implique de lister l’ensemble des entités juridiques concernées, de s’assurer de la cohérence des dates de clôture et d’identifier les filiales présentant un poids significatif au regard du chiffre d’affaires et de l’actif engagé. Cette étape de cadrage évite les omissions et garantit l’exhaustivité des analyses.
La mise en place d’une data room sécurisée, souvent hébergée sur une plateforme spécialisée, constitue un point clef de la phase préparatoire. Il convient de classifier les documents selon leur nature (comptabilité, fiscalité, bancaire, RH, contrats majeurs) et de gérer les droits d’accès de façon granulaire. Un comité interne de validation peut être institué pour valider la conformité des documents transmis et assurer une traçabilité rigoureuse des consultations.
Parmi les documents indispensables, on retrouve les bilans et annexes des trois à cinq derniers exercices, les relevés bancaires mensuels, les contrats de crédit-bail et de prêt, les plans d’amortissement, ainsi que les inventaires de stocks et d’immobilisations. Ces pièces permettent non seulement de vérifier la consistance des écritures, mais aussi de déceler d’éventuelles mauvaises surprises telles que des reclassifications ou des erreurs de valorisation.
La réussite de la due diligence dépend également de la composition de l’équipe dédiée : des profils comptables pour les retraitements, financiers pour la modélisation, juridiques pour le décryptage des engagements contractuels et sectoriels pour évaluer la pertinence des hypothèses prospectives. Chaque expert apporte son regard et ses compétences, favorisant une analyse croisée et exhaustive.
L’examen de l’actif du bilan doit être conduit avec une grande minutie : c’est la valeur des ressources utilisables par l’entreprise qui conditionnera directement la capacité à générer des cash-flows futurs. L’approche se veut à la fois quantitative et qualitative, en conciliant les chiffres avec la réalité économique sous-jacente.
Les méthodes d’évaluation des immobilisations peuvent varier entre le coût historique amorti et la juste valeur. La due diligence consiste à identifier les écarts potentiels, à vérifier la pertinence des plans d’amortissement et à détecter les risques d’actifs surévalués ou sous-amortis. Par exemple, une acquisition d’un brevet peut nécessiter une réestimation de la durée d’utilité, tandis qu’une usine ancienne peut requérir une provision pour remise à niveau ou remplacement.
Le contrôle de la rotation des stocks et de leur âge moyen constitue un indicateur précieux pour anticiper les besoins de trésorerie futurs. Il s’agit de vérifier que les provisions pour obsolescence sont suffisantes, en confrontant les données historiques de ventes et de dépréciation. Un taux de rotation anormalement bas peut révéler une accumulation de slow movers ou une défaillance dans la gestion des approvisionnements.
Une analyse fine des créances nécessite de segmenter le poste par client, par délai de paiement et par secteur d’activité. L’évaluation des provisions pour créances douteuses repose sur une grille de risques ajustée selon l’historique de recouvrement et la situation financière des débiteurs. Il convient également de repérer les pratiques d’escompte ou d’affacturage susceptibles d’influer sur la structure du bilan.
La position de trésorerie ouvre la lecture de la liquidité immédiate. Au-delà de la simple somme figurant au bilan, il est essentiel de vérifier l’existence de restrictions d’usage (comptes bloqués, garanties bancaires) et de distinguer les placements liquides des placements à plus long terme. Cette distinction influe sur l’évaluation du BFR et sur la capacité de l’entreprise à financer ses besoins opérationnels.
La structure des ressources doit être examinée avec la même rigueur que celle des emplois : elle conditionne le niveau de levier supportable et les risques de refinancement. L’identification des covenants, des clauses de remboursement anticipé ou des échéances fiscales est cruciale pour anticiper les besoins de trésorerie et sécuriser la viabilité financière du projet post-acquisition.
Les dettes bancaires ou obligataires se décomposent généralement entre court et long terme, chacune assortie de covenants financiers. L’analyse porte sur le respect des ratios imposés (taux d’endettement, couverture d’intérêts) et sur la sensibilité aux variations de taux. Un défaut de covenant peut déclencher une clause de remboursement anticipé, représentant un risque majeur pour la transaction.
La cohérence entre les dettes fournisseurs et le cycle d’exploitation offre une indication clé sur la solidité financière du postulant. Des délais de paiement excessifs peuvent masquer un malaise de trésorerie ou une pression sur les marges fournisseurs. De même, les dettes fiscales et sociales, souvent ignorées, doivent être vérifiées à l’aune des contrôles URSSAF et fiscaux en cours ou potentiels.
Les provisions couvrent des risques variés : contentieux juridiques, litiges environnementaux, garanties clients ou restructurations en cours. Leur calcul repose sur des hypothèses de probabilité et de coût, nécessitant des pièces justificatives solides (expertises, décisions de justice). Une provision sous-estimée peut créer un passif caché impactant significativement la valorisation.
L’historique des augmentations de capital, des émissions de primes et la politique de distribution de dividendes donnent une vision claire de la politique financière et du degré de solidarité entre actionnaires. Un endettement excessif peut avoir été compensé par des injections de fonds propres, tandis qu’une politique généreuse de dividendes peut alourdir le BFR et créer des tensions sur la trésorerie.
Les contrats de crédit-bail, les garanties personnelles ou de groupe, ainsi que les engagements de retraite figurant hors bilan représentent une source potentielle de sorties de trésorerie futures. Sous IFRS 16, certains de ces engagements sont désormais capitaux, mais il reste indispensable de recenser tous les engagements conditionnels pour obtenir une vision exhaustive des risques.
L’interprétation du bilan et du compte de résultat aboutit à la construction de ratios et d’indicateurs synthétiques, facilitant la comparaison avec les référentiels sectoriels et l’évaluation de la performance opérationnelle et financière. Ces outils constituent un langage commun entre investisseurs, banquiers et conseillers.
Le BFR, mesuré par la différence entre emplois circulants hors trésorerie et ressources circulantes hors dettes financières, traduit l’effort de financement nécessaire au cycle d’exploitation. Un FRNG négatif signifie un financement structurel par la trésorerie, ce qui peut limiter la capacité d’investissement. L’analyse de ces indicateurs permet de calibrer les besoins de financement post-close.
La dette nette rapportée à l’EBITDA, le gearing (dette nette/capitaux propres), le quick ratio ou encore le current ratio sont des repères incontournables. Ils donnent des repères sur la capacité de l’entreprise à respecter ses échéances financières et à absorber des chocs économiques. Les banquiers se réfèrent souvent à ces ratios pour fixer les covenants et déterminer le coût de la dette.
Le ROCE (Return on Capital Employed) et le ROA (Return on Assets), ainsi que la marge nette, mesurent l’efficacité avec laquelle l’entreprise utilise ses ressources pour générer du résultat. Un ROCE supérieur au coût moyen du capital traduit une création de valeur, critère déterminant pour l’investisseur qui cherche à valider la pertinence de son engagement financier.
Comparer les ratios clés avec ceux de sociétés cotées ou issus de bases sectorielles permet de situer la cible dans son environnement concurrentiel. Cette mise en perspective aide à identifier les points forts et les faiblesses structurelles, tout en ajustant les projections de synergies et de croissance en fonction des standards du secteur.
Pour passer d’une situation comptable historique à une base financière cohérente pour la valorisation, il est nécessaire d’opérer des retraitements et ajustements. Ces travaux garantissent la comparabilité des périodes et la neutralisation des éléments non récurrents.
En présence de comptes établis selon des référentiels locaux (French GAAP, US GAAP) et des comptes consolidés IFRS, un travail d’harmonisation est indispensable. Il consiste à appliquer de manière uniforme les principes de valorisation, de classification et de présentation, afin de rendre les données comparables et fiables pour la modélisation.
Les charges ou produits exceptionnels, tels que les cessions d’actifs ou les provisions liées à des restructurations singulières, doivent être isolés pour ne pas fausser l’analyse de performance récurrente. Ces retraitements permettent de déterminer un EBIT ajusté et un cash-flow normalisé, plus représentatifs de l’exploitation courante.
Entre la date de clôture et la date de signature, des événements peuvent survenir (cession d’actif, réorganisation, sinistres) qui modifient la réalité patrimoniale de la cible. Il convient de quantifier ces impacts et de les intégrer dans un mécanisme de price adjustment ou de mise en réserve pour garantir l’exactitude du prix final.
Au-delà des retraitements comptables, l’évaluation doit intégrer les synergies attendues (réduction des coûts, gains de revenus) et les coûts de transaction (frais d’intermédiaires, honoraires juridiques). Ces éléments influencent directement le bilan pro forma et la rentabilité anticipée de l’opération, ainsi que la structure de financement envisagée.
Le bilan pro forma reconstitue l’état patrimonial et financier de l’entité combinée après acquisition. Cette figure inclut l’ajustement de la juste valeur des actifs et passifs, l’apport de nouveaux fonds propres ou de dettes et la prise en compte des synergies estimées.
Le travail débute par la fusion de chaque poste d’actif et de passif, retraité selon les normes retenues. Les écarts d’acquisition ou goodwill, résultant de la différence entre le prix d’achat et la quote-part de la juste valeur des actifs nets identifiables, sont comptabilisés en immobilisation incorporelle et font l’objet de tests de valeur post-close.
Les gains attendus, calculés sur la base d’analyses comparatives et de benchmarks sectoriels, sont traduits en réductions de coûts ou en hausses de revenu. Ils peuvent justifier une révision à la hausse de certains actifs, tels que les stocks optimisés ou les brevets valorisés, influant positivement sur le bilan pro forma.
La charge d’intérêts générée par la dette nouvelle est deux fois chiffrée : selon un scénario de taux stable et selon un scénario de remontée de taux. Cette sensibilité permet d’évaluer le risque financier et de dimensionner les réserves de liquidité nécessaires pour faire face aux fluctuations des coûts de financement.
En modulant les hypothèses, trois scénarios types (conservateur, central, optimiste) sont élaborés pour mesurer l’impact des variables clés : délais de recouvrement, taux de croissance, réalisation des synergies. Ces scénarios offrent une fourchette d’évaluation utile pour la négociation des mécanismes d’earn-out ou de ‘price collar’.
Le rapport de due diligence constitue un document pivot dans la gouvernance de l’opération. Il doit combiner synthèse exécutive, analyses détaillées et annexes méthodologiques, afin de fournir à la direction et aux instances décisionnelles une vision globale et précise des enjeux financiers.
Une première partie présente une synthèse des principaux constats et recommandations, suivie d’une section détaillée pour chaque poste de bilan, accompagnée des retraitements opérés et des sources documentaires. Les annexes rassemblent les check-lists, les outils de calcul et les extraits chiffrés clés, facilitant la traçabilité et la relecture.
Le rapport met en exergue les ‘deal breakers’ – situations ou chiffres révélant un risque majeur, tels qu’un passif latent significatif ou un non-respect des covenants. Ces points de vigilance alimentent les négociations contractuelles, notamment sur le niveau de garanties d’actif-passif et sur l’ajustement du prix d’achat.
Enfin, le rapport propose un plan d’action opérationnel : intégration des clauses de price adjustment, mise en place de mécanismes d’earn-out, recommandations pour la refinancement, et identification des audits complémentaires à réaliser. Ce volet opérationnel facilite la phase de closing et prépare la mise en œuvre de la stratégie post-acquisition.
Pour maximiser l’efficacité de la due diligence financière et minimiser les risques, plusieurs bonnes pratiques doivent être intégrées dès le démarrage du projet. La proactivité dans la collecte des données et la structuration de l’équipe sont des prérequis indispensables.
Il est essentiel d’anticiper dès le kick-off les documents susceptibles d’être manquants ou peu fiables, en prévoyant des relances régulières et des contrôles de cohérence croisés entre services. La mise en place d’un tableau de suivi des livrables permet de garantir l’exhaustivité et la fiabilité des informations.
Une relecture croisée des travaux par un pool d’experts tiers (peer review) ou un comité de validation interne renforce la solidité méthodologique et limite les biais d’analyse. Cette démarche collective permet également d’homogénéiser les approches et d’anticiper les questions des parties prenantes.
La cohérence entre les volets RSE, juridique et financier est cruciale : par exemple, un litige environnemental identifié dans la due diligence juridique peut nécessiter un ajustement de provision déjà analysé dans le passif financier. Une coordination étroite garantit une vision consolidée des risques.
Enfin, chaque retraitement comptable doit être documenté de manière précise, avec un référentiel des sources et des hypothèses. Cette traçabilité facilite les validations internes, les échanges avec les auditeurs externes et la défense du rapport en cas de discussion avec les contreparties.
Alors que la digitalisation gagne du terrain, les plateformes de due diligence virtuelles se dotent d’outils automatisés d’analyse de bilans et de reconnaissance de clauses contractuelles, optimisant la rapidité et la précision des travaux. L’intelligence artificielle, capable de repérer des anomalies comptables ou des tendances cachées, commence à jouer un rôle disruptif dans la collecte et l’exploitation des données financières.
Sur le plan stratégique, la montée en puissance des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) impose d’intégrer dès la phase bilan des indicateurs de durabilité et des risques extra-financiers. À l’avenir, la fusion de la due diligence financière et de la due diligence RSE permettra d’élaborer des modèles d’évaluation plus globaux, alignés sur les critères d’investissement responsable.
Pour les professionnels du droit et de la finance, ces évolutions offrent des opportunités d’enrichir leurs méthodologies, d’améliorer la réactivité des processus et d’apporter une valeur ajoutée toujours plus forte aux opérations de M&A. En combinant rigueur comptable, expertise sectorielle et innovations technologiques, la due diligence financière devient un levier essentiel de création de valeur et de sécurisation des transactions.